Récurrence de la violence militaire à Sokodé et environs
Depuis quelques jours, l’ambiance est de plus en plus tendue à Sokodé et dans d’autres localités de la Région centrale du Togo. On a assisté, en l’espace de quelques jours, à une succession d’évènements aussi inquiétants que révoltants. Déjà dans la nuit du 14 au 15 octobre 2018, le responsable local du Parti National Panafricain (PNP) a été violenté à son domicile à Tchamba, par des individus non identifiés, qui visiblement voulait faire la peau à l’opposant. Grièvement blessé, il fut conduit en urgence dans une structure sanitaire et actuellement en soins intensifs. Un jour plus tard, dans la nuit du 15 au 16 octobre 2018, le point focal de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) à Kara a, lui aussi, fait l’objet de violences et de passage à tabac par un groupe d’individus, qui ont saccagé son domicile.
Dans la soirée du 24 octobre 2018, le quartier abritant le siège du PNP à Sokodé a été encerclé par des éléments des forces de l’ordre et de sécurité lourdement armés, qui pour favoriser la re-peinture dudit siège par une autre couleur que celle qu’arbore habituellement le parti.
Pour provoquer une réaction de la population, dans la nuit du 26 au 27 octobre 2018, le siège du parti politique Union pour la République (UNIR) sis à Didaourè à Sokodé, a été endommagé par un incendie d’origine criminelle, provoquant de nombreux dégâts selon un communiqué en date du 27 octobre 2018 rendu public par ce parti.
Dans la foulée, la soldatesque de Faure Gnassingbé est passée à l’action en faisant régner une terreur indescriptible dans cette localité. Dans la nuit du dimanche 28 octobre 2018, les armes ont crépité dans la ville de Sokodé où la présence militaire aurait été renforcée la veille. Les tirs ont notamment été entendus dans le quartier Kouloundè et à Kparatao, le village d’origine du président du Parti national panafricain (PNP), TikpiAtchadam. « Kouloundè est encerclé depuis hier. Nous sommes enfermés dans nos chambres présentement. J’entendais les crépitements de balles depuis ma cachette. Les tirs n’étaient pas loin de chez moi », confiait un habitant qui vivait « en live » ces évènements. Pour ce qui est des bévues militaires à Kparatoa, il faut noter que les hommes en treillis ont tenu en respect cette population dans la nuit en tirant des coups de fusil dans tous les sens et en l’air. La statuette de la communauté a été criblée de balle dont les impacts sont toujours visibles.
Comme si cela ne suffisait pas, les militaires sont revenus le lendemain dans certains quartiers de la ville de Sokodé, avec le même mode opératoire. Les balles ont encore crépité toute la nuit du 29 au 30 octobre 2018, notamment dans le quartier Kpangalam, créant une psychose générale dans la ville.
« Il faut noter que 72 heures, après que le nouveau siège de PNP soit repeint nuitamment sous bonne garde des militaires, le siège du parti UNIR situé dans le même quartier(kouloundé) a subi un incendie à l’aube de samedi. Pour l’heure l’origine de cet incendie est inconnue. Mais dans la journée de ce samedi l’on a assisté à l’arrivée de quelques Jeeps militaires venus du Nord remplis de militaires venus en renfort à ceux existants. Dans la nuit de ce samedi toute la ville a été envahie par les militaires, renvoyant et bastonnant les populations sans pitié. Très vite la ville est devenue silencieuse. C’est avec la peur au ventre que les uns et les autres se réveillèrent le dimanche avec pour soucis de quoi les prochaines heures seront faites. Dans la journée, tout se passait bien mais déjà vers 20h, le scénario de la vielle a repris, cette fois ci avec des jets de grenades lacrymogènes et des tirs de fusil en désordre en l’air surtout à kouloundé et ses environs et à Kparatao où le statut (représentant un guerrier) a été mitraillé. Les impacts de balles sont toujours visibles. Dans la journée de lundi la ville était calme. Les exactions ont repris de nouveau la nuit tombante avec les nombreux militaires patrouillant dans tous les coins de la ville. Mais cette fois ci c’est le quartier Kpangalam qui a été la cible des tirs de fusils en l’air jusqu’à 3 heures du matin. Actuellement chacun vaque librement à ses activités ne sachant pas à quoi il sera mangé la nuit », confie un habitant de Sokodé
Il faut sauver Sokodé…
Pour l’instant, le gouvernement affiche un silence presque complice devant les exactions commises par les militaires sur les populations. Seuls les opposants ont appelé les populations au calme et à ne pas répondre aux provocations. TikpiAtchadam, quant à lui lance un appel à l’endroit de la CEDEAO. « Fidèle à notre stratégie de non-violence, nous continuons de demander aux populations de ne pas céder à ces provocations et de garder leur calme. Notre curiosité reste totale, s’agissant de l’indifférence totale et du silence trop éloquent du Commandant en Chef des forces armées togolaises sur ces évènements d’une gravité extrême et sur le retour de l’armée dans les casernes. En ce jour du 29 octobre 2018, nous prenons à témoin la CEDEAO, l’UA, tous les diplomates accrédités dans notre pays ainsi que toute la communauté internationale sur la situation qui prévaut au Togo. Ils doivent, au-delà des condamnations de principe, prendre des mesures adéquates contre ce régime pyromane dont les actes pourraient réduire à néant les efforts déjà réalisés dans les autres Etats de la Région Ouest africaine », a-t-il souhaité.
Mais la psychose est totale dans cette ville, qui souffre le martyr depuis plusieurs mois. Les populations ne savent plus à quel saint se vouer. Elles ont le sentiment de subir des représailles par rapport à leur engagement contre le régime de Faure Gnassingbé. « Cette situation est prévisible. D’abord c’est le siège du PNP qui a fait l’objet de vandalisme. Ensuite, il y a eu l’incendie du parti UNIR, probablement provoqué par les éléments du régime. Et comme le recensement a été un fiasco à Sokodé, le régime a voulu se venger », pense un habitant.
« Nous sommes laissés à nous-mêmes. Depuis quelques jours, nous n’arrivons plus à fermer les yeux. Nous sommes obligés de nos cacher sous nos lits pour éviter des balles perdues, car en pleine nuit, nous sommes habituellement envahis par les militaires qui prennent le vilain plaisir de tirer à balles réelles sur tout se qui bouge. Nos enfants pleurent constamment. Qu’avons-nous fait pour mériter tout cela ? Où est donc cette communauté internationale qui veut régler nos problèmes ? Il n’y a personne pour nous protéger ? Ou bien ce sont les cadavres qui irons voter ? La situation est extrêmement grave et délétère. Nous ne pouvons plus vivre dans ces conditions. Nous sommes des êtres humains aussi. Assez c’est assez », peste un habitant de Sokodé très remonté après ces évènements.
Avec les nouveaux développements survenus dans la crise togolaise avec comme point d’orgue les massives violations commises à Sokodé par la soldatesque de Faure Gnassingbé, sans raison apparente, il est donc clair que le pouvoir de Lomé a fait l’option du chaos. Plus inquiétant est la passivité presque incompréhensible de la communauté internationale qui se tait face à ces horreurs.
ShalomAmetokpo